Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rêveries d'un promeneur solitaire (Rousseau)

par François Mangin-Sintès

Nous connaissons Rousseau, l'homme dans la société. Voici Jean-Jacques, le cœur à nu.

 

En 1776, au moment de la rédaction des «Rêveries», Rousseau est une star internationale, toujours entouré de beaucoup de monde. Mais il est décrié, banni, accusé de vol, de viol, il est traité de scélérat. Malgré la haine des autres, la mort sociale le libère. Il décide de couper tous liens avec ceux qui le harcèlent. Il déserte le monde, le monde des menteurs et ses besoins toujours renaissants. Jamais il ne s'est senti aussi calme. Il ressent sa propre vie. Le moi, le temps, se sont envolés. Il ne reste qu'une conscience d'exister, une auto-connaissance de ce que je suis. Il est devenu un autre. Ce qui l'intéresse c'est la consolation de guérir son âme, retrouver l'amour de soi et oublier l'amour propre qui est l'ensemble des sentiments téléguidés par les exigences sociales qui n'ont rien d'authentique et qui donnent toujours l'impression d'un personnage inabouti. En assumant ce repli, il se sent en sécurité. Sur le lac de Bienne, il se laisse dériver dans une barque et laisse sa rêverie divaguer au rythme de l'eau. C'est un moment qui berce le corps et permet à l'âme de se recueillir, se recentrer sur l'amour de soi, retrouver un sentiment originel, une forme de bonheur, de plénitude, une jouissance de l'auto-suffisance. Il se laisse aller au bercement du flux et reflux de l'univers qui lui donne le pur sentiment d'exister et de jouir de sa sensibilité. Il retrouve enfin l'anonymat qui le libère de la célébrité. Il est comme un réfugié nomade qui se sent à l'abri d'une persécution universelle. Le grand secret qui l'anime est de retrouver le présent, la présence du monde. «Le monde est beau et hors de lui point de salut» dit Camus. Jean-Jacques, son frère d'âme, observe lui aussi la nature avec un plaisir gourmand et sensuel, doux et calme. Au crépuscule de sa vie, enfin libéré des contingences sociales et par excès d'amour, il offre à Rousseau la possibilité de devenir le narrateur d'une histoire inventée, assurément son meilleur livre.

 

 

François Mangin-Sintès

Les commentaires sont fermés.