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Voyage au bout de la nuit (Céline)

Par François Mangin-Sintès.

Disons-le d'entrée, Céline, on l'aime ou on le déteste. A sa parution en 1932, le Voyage provoque un véritable séisme dans le monde de l'édition. On lui reproche sa noirceur et son côté ordurier. Mais ces opinions, qu'elles proviennent de la gauche ou de la droite sont unanimes, l'auteur entre en majesté dans la République des Lettres. La grande nouveauté c'est le style.Céline rompt avec trois siècles de littérature soumise aux règles fondatrices de l'Académie qui avait défini l'usage du bon français. Il n'écrit pas en gants blancs. Il met sa peau sur la table. Son écriture est charnelle, de l'ordre de la sensation. Il met du muscle dans la phrase. Il invente sa langue. Il bouscule la syntaxe. Il transcrit l'oralité dans une langue raffinée et sublime mais virulente et qui fait scandale. Ses phrases sont des jets de lave qui font jaillir la vie et la vérité.

 

Le Voyage au bout de la nuit est une épopée lyrique, une sorte de l'Iliade et l'Odyssée mais sans la présence de Pénélope, qui commence à la veille de la Grande Guerre et qui se termine quelque dix ans après l'armistice de 1918. Ferdinand Bardamu, son héros ou plutôt son anti-héros, toujours prêt à partir avec son barda, Bardamu est un homme égoïste,lâche et trouillard. Il est engagé malgré lui dans des aventures picaresques qui l'entraînent dans des situations dramatiques, irréversibles avec malgré tout, de temps en temps, l'émergence de sentiments d'une délicatesse absolue. Il évolue toujours dans une zone de transit perpétuel. C'est aussi le roman des miséreux, des ouvriers et des petits bourgeois. «C'est l'homme blessé du travail, qui ne sait plus quoi faire et quoi penser». C'est une humanité dégradée qui lui rappelle l'inhumaine condition. C'est le premier roman de l'absurde, celui qui exprime l'épaisseur de l'expérience la plus difficile avec une énergie, une ardeur sans précédent accompagnée parfois d'un rire secondaire, sardonique et grinçant qui contribue à diminuer les tensions trop vives et insupportables. On ne peut plus dépasser la nuit. On arrive au bout. Avec cette hyper-émotivité du style, ce chuchotement, parfois ce cri fébrile et passionné, le tableau de notre humanité baigne dans une lumière blafarde et difficile à supporter. Le roman devient une symphonie émotive. Au début n'était pas le Verbe, disait-il, au début il y avait l'émotion.

 

 

 

 

 

 

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