Misses Daloway(Woolf)

Par Françoise LEGRAND

 

S’il existe un roman dont on peut dire à la fois qu’il ne raconte pas d’histoire et qu’il fait pourtant le récit de plusieurs vies, ancrées dans leur époque et leur société, c’est Mrs Dalloway. S’il existe un roman sans action, mais qui entraîne le lecteur dans un flot d’émotions dont il ne veut plus s’extraire, c’est Mrs Dalloway.

 

Le temps d’une simple poignée d’heures de la vie de Clarissa, en cernant son héroïne à travers ses impressions immédiates ou par le regard de son entourage, Virginia Woolf explore de façon magistrale les pensées, les sensations, les souvenirs, la folie. De cet extraordinaire cheminement dans les âmes de ses personnages, porté par une écriture subtile et juste, sensible et poétique, on ressort sidéré, envoûté, grandi.

 

Le 19 juin 1923, tandis que son roman – qu'elle projette alors de titrer Les Heures – est en cours, dans son journal d’écrivain, Virginia Woolf s’interroge à propos de son travail et en laisse deviner l’intensité :

 

«  On doit écrire à partir des sentiments les plus profonds, a dit Dostoïevski. Est-ce mon cas ? Ou est-ce seulement à partir des mots, que j’aime tant, que je crée ? Non, je ne crois pas. Pour ce livre, j’ai déjà presque trop d’idées. Je veux tout dire sur la vie et la mort, la raison et la folie ; je veux critiquer le système social et montrer son fonctionnement dans toute son implacabilité… J’ai le pressentiment que cela va être une terrible bataille. Le thème est si singulier et si puissant. Pour m’y adapter, je suis constamment obligée de puiser dans ma propre substance. .. »

 

Près d’un siècle plus tard, tandis que de nombreux chefs d’œuvres sont venus s’ajouter au panthéon de la littérature, Mrs Dalloway demeure l’un des romans les plus subtils, les plus poignants, les plus profonds qu’il soit donné de découvrir… ou de redécouvrir souvent.